Vous vous occupez depuis de nombreuses années déjà des maladies rares dans le domaine des maladies héréditaires du métabolisme maladies métaboliques chez les adultes. Comment en êtes-vous arrivé à cette spécialisation ?
Dès le début de ma formation, j’ai eu un intérêt particulier pour les voies métaboliques qui régulent notre organisme. Cette fascination pour la manière dont ces voies influent sur la santé et la possibilité d'aider les patients présentant des déficiences dans ces mécanismes ont été des moteurs dans mon orientation de carrière.
Quels sont à vos yeux les plus grands défis dans ce domaine ? Pour la recherche, mais aussi et surtout pour la pratique ?
Tout d'abord, le caractère rare de ces maladies peut conduire à une sous-estimation de leur prévalence, car de nombreux patients demeurent non diagnostiqués. Identifier ces patients pour les dépister efficacement représente donc un défi crucial. Ensuite, l'accès aux thérapies appropriées peut être complexe, avec des obstacles tels que l'indisponibilité de certains médicaments en Suisse, les barrières liées au remboursement ou encore les coûts élevés. Sur le plan de la recherche, bien que l'attention portée aux maladies rares augmente, des difficultés persistent. Le recrutement limité de participants aux essais cliniques et les contraintes méthodologiques entravent la progression des connaissances dans ce domaine. En conséquence, le nombre d'essais cliniques est freiné, ce qui limite la compréhension et le développement de traitements efficaces pour ces maladies.
Le diagnostic de nombreuses maladies rares nécessite des connaissances de spécialistes. Le savoir-faire est réparti au niveau international. Comment faites-vous pour rester à la pointe du progrès ?
En effet, grâce au réseau mis en place entre les centres de Suisse, nous essayons de maintenir un lien permanent entre les différentes compétences. Cela passe par des réunions régulières des membres du comité de pilotage de notre société présidée par le Dr M. Gautschi ( SGIEM » Swiss Group for Inborn Errors of Metabolism ) puis une assemblée annuelle avec tous les membres de la société où les points essentiels de notre réseau sont abordés, suivis d’une journée autour des projets de recherche et initiatives des différents centres.
Vous travaillez dans une consultation pour patient-e-s sans diagnostic. Quelles sont les plus grands défis dans la recherche du diagnostic ?
Les plus grands défis sont souvent liés à la rareté des maladies elles-mêmes, rendant la recherche de diagnostic complexe et souvent longue.
Les diagnostics posés représentent un grand défi pour les familles concernées. Non seulement en raison du résultat chez le patient concerné, mais aussi en raison des conséquences plus larges pour les frères et sœurs et les parents - comment gérez-vous cela en tant que médecin traitant ?
Au sein du service de médecine génétique, nous offrons un soutien multidisciplinaire qui inclut le médecin généticien-métabolicien, un/e conseiller/ère en génétique et une psychologue pour aider les familles à naviguer dans les implications de cette maladie au niveau familial, émotionnel mais également social.
Les possibilités de tests génétiques augmentent continuellement et deviennent de plus en plus accessibles financièrement - quel est à vos yeux le sens d'un dépistage plus large - chez les enfants, les frères et sœurs et les parents ?
En effet un tel dépistage peut aider à identifier les maladies rares précocement, permettant une prise en charge adaptée et une meilleure compréhension des risques pour la famille. Cependant le choix d'un dépistage élargi se fait individuellement, avec un conseil génétique. Cela doit également tenir compte de plusieurs aspects dont les aspects légaux, âge de l’individu et capacité de discernement, ainsi que les implications thérapeutiques éventuelles.
Quels sont les défis en lien avec les tests génétiques ?
1) La complexité des résultats. La compréhension de certains résultats nécessite une expertise approfondie en génétique moléculaire et bioinformatique, 2) La transformation des données en informations utiles. Les analyses génétiques produisent une énorme quantité de données. La capacité à transformer ces données en informations tangibles est essentielle pour leur utilisation clinique, 3) Economiques : ces analyses peuvent être coûteuses en particulier le séquençage à haut débit. Ces enjeux incluent l’accès aux tests pour tous, les politiques de remboursement et la soutenabilité financière du système de santé, 4) Ethique : les données génétiques soulèvent des questions complexes sur la confidentialité des données, leur stockage et l’utilisation des informations génétiques des patients.
Toutes les approches thérapeutiques possibles ne sont pas autorisées en Suisse - vous arrive-t-il de devoir conseiller aux patient-e-s de suivre un traitement à l'étranger ?
Parfois, lorsque les options thérapeutiques sont limitées en Suisse, nous pouvons recommander des traitements disponibles à l'étranger, tout en tenant compte des considérations de sécurité, de qualité et d'accessibilité ainsi que des besoins spécifiques du patient. En vertu de l’article 71 a-d, l’assurance obligatoire des soins, sous certaines conditions, peut rembourser un médicament qui n’est pas disponible en Suisse et dès lors il est importé de l’étranger.
Que souhaitez-vous pour vos patients ?
Je souhaite avant tout qu’ils bénéficient de la meilleure prise en charge possible, adaptée à leurs besoins individuels. L'objectif ultime est d'améliorer leur qualité de vie et de leur offrir un soutien continu tout au long de leur parcours de soins.